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Voyage et Echos sur la nouvelle vie de l'Absinthe

Reportage Texte et Photos Alain Barrière

Mars 2005

 

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- Le Retour de la Fée Verte au Val de Travers

- Yves Kübler et le retour de l'Absinthe du Val de Travers

- Entretien à Saumur (49) France sur l’absinthe avec Peter Schaf alias Peter Verte, absintheur

 

 

Le Retour de la Fée Verte

 

Absinthe du Val de Travers (NE)

 à déguster avec modération… mais avec plaisir !

 

Où se trouve le berceau de l’absinthe ?

Suisses et français revendiquent la paternité de l’Absinthe. Ce vieux débat ressurgit régulièrement et quelque soit l’histoire que l’on retienne avec le rôle ou non des sœurs Henriod de Couvet, du Dr Pierre Ordinaire né en France dans le Doubs mais exilé en Suisse, de la Dame Favre de Genève, il faut retenir que le berceau de l’Absinthe en tant qu’apéritif se situe bien dans le Val de Travers et que le Major Dubied et son fils installèrent la première distillerie d’absinthe à Couvet. Le succès fut tel que Henri-Louis Pernod, gendre du Major Dubied, ouvrit une deuxième distillerie à Couvet. La demande de la clientèle française était très importante et Pernod finit par s’installer en France à Pontarlier, échappant ainsi aux droits élevés que le fisc prélevait sur l’Absinthe suisse.

Afin de défendre, faire reconnaître et promouvoir le berceau historique de l’Absinthe qu’est le Val de Travers, il s’est créée une association, sans but lucratif, sous le nom d’ «Académie de l’Absinthe ». Son siège est à Môtiers dans le Val de Travers et ses buts sont de faire reconnaître le Val de Travers comme berceau historique de l’Absinthe, étudier son histoire et garder sa mémoire, rechercher et valoriser ses traces culturelles, collecter les documents et objets qui s’y rapportent. Les membres fondateurs sont Bernard Cousin de Fleurier, président du Musée régional d’histoire et d’artisanat du Val de Travers, Pierre-André Delachaux de Môtiers, conservateur du secteur Absinthe du Musée régional d’histoire et d’artisanat du Val de Travers, Jacques Gilabert, écrivain et conteur, Jacques Hainard de Fleurier, conservateur du Musée d’ethnographie de Neuchâtel, Jean-Patrice Hofner de Môtiers, avocat et notaire à Couvet, Jean-Pierre Jelmini de Neuchâtel, historien, ancien conservateur du Musée d’histoire de Neuchâtel, Daniel Schelling de La Côte aux Fées, photographe, membre du Musée.

 

La légalisation de l’Absinthe en Suisse le 1er mars 2005

L’Absinthe commençait à être légalisée partout : en Espagne, au Portugal, en Allemagne, en Angleterre, en France, en République Tchèque…., la Suisse ne pouvait pas rester en marge du mouvement.

L’Absinthe est à nouveau un produit à la mode dans le monde branché de la nuit et l’interdiction de la Fée Verte de 1910 devenait obsolète. Bien sur, elle n’avait pas disparue du Val de Travers où elle était entrée en clandestinité et avait continué à être fabriquée de façon artisanale. Tout le monde n’est d’ailleurs pas favorable à la légalisation et Pierre-André Delachaux a pu parler d’une deuxième mise à mort programmée de l’Absinthe et bien des clandestins partagent son avis et pensent qu’ainsi elle perd de son mystère et de son attrait. Mais maintenant que l’autorisation est là et le Val de Travers doit protéger sa Fée Verte. La libéralisation va modifier le marché clandestin. Les concessions seront distribuées via l’Association Région Val de Travers. Il n’y aura pas une concession pour chacun….Julien Spacio, secrétaire général de l’ARVT voit une opportunité pur la région à travers cette libéralisation. 

La concurrence des autres produits européens dont certains ne sont que pastis déguisés ou des alcools aromatisés à l’Absinthe doit obliger le Val de Travers à se battre. Pontarlier s’est autoproclamé capitale de l’Absinthe et le Val de Travers doit affirmer sa position de berceau de l’Absinthe et attirer les touristes notamment avec le séchoir à Absinthe de Boveresse et le Musée de Môtiers. Suivant l’exemple de Boveresse avec sa fête de l’absinthe dont la 8ème édition aura lieu le samedi 18 juin 2005, Pontarlier a organisé les Absinthiades. Ces deux régions voisines devraient peut-être s’entendre pour mieux lutter contre les absinthes tchèques et espagnoles ! Attention si vous voyez « Absinth » (sans E), c’est une fausse fabriquée en Allemagne ou en République Tchèque.

Yves Kübler, distillateur à Môtiers, propose une bouteille d’Absinthe, véritable Fée Verte à 53°. Jusqu’ici, il avait contourné les problèmes en proposant la « Rincette » puis un « Extrait d’Absinthe ».

 

 Qu’est-ce que l’Absinthe ?

L’Absinthe « Artémisia absinthium » est une plante herbacée vivace, d’une odeur fortement aromatique et d’une saveur très amère. Les feuilles et les sommités fleuries sont réputées pour des digestions difficiles et les accès de fièvre, combattre les vers intestinaux, régulariser les menstruations, chasser les mites des armoires et éloigner insectes et moustiques.

L’Anis vert « Pimpinella anisium » est une plante annuelle à feuilles duveteuses, à fleurs jaunes. Les graines oblongues, dures, cannelées sont réputées pour leur capacité à faciliter la digestion, à soulager les règles douloureuses, l’asthme, la coqueluche, la bronchite.

La Badiane ou Anis Etoilé « Illicium Verum » est un arbre à fruit en forme d’étoile à huit cornes qui a des propriétés énergétiques, diurétiques et soigne flatulences, indigestions, coliques.

Le Fenouil « Foeniculum vulgare » est une plante vivace dont les graines utilisées en tisane traitent les ballonnements, les maux d’estomac, stimulent l’appétit, favorisent la perte de poids ainsi que la longévité.

La Menthe poivrée « Mentha pipérita » est une plante annuelle aux tiges carrées, très aromatiques, d’un saveur chaude et piquante mais produisant ensuite une impression de fraîcheur. En infusion la  menthe est excellente pour la digestion et elle stimule la sécrétion des sucs gastriques et de la bile, décontracte les muscles intestinaux.

La Mélisse citronnée « Melissa officinalis » est une plante vivace aux petites fleurs blanches, aux feuilles veinées, dégageant une senteur citronnée. Elle est efficace dans les états dépressifs et elle est indiquée lorsque l’anxiété provoque des troubles digestifs.

L’Hysope « Hyssopus officinalis » est une plante vivace à fleurs bleues bilabiées aromatiques qui possède des propriétés aussi bien sédatives que toniques. Elle soigne la bronchite, les affections respiratoires  et a une action apaisante sur l’appareil digestif.

 

Toutes ces plantes aux vertus médicinales savamment mélangées entrent dans la fabrication de l’Absinthe et des saveurs troublantes s’en dégagent. Tout d’abord l’anis stimule le palais en dominant le mélange fenouil et badiane, puis vient s’y ajouter la menthe poivrée, la mélisse citronnée et l’hysope avant de déceler l’amertume bien particulière de l’absinthe. Certains distillateurs ajoutaient même de la coriandre, de l’angélique, de la réglisse, de la sauge tout cela dans un dosage secret, marque de fabrique du produit. Leur incorporation à un alcool de 96° entraîne-t-elle une nocivité ?   En un mot l’Absinthe rend-elle fou ?

Il faut pour comprendre cette réputation revenir à la deuxième moitié du 19ème siècle. Entre 1830 et 1850 c’est la boisson de l’élite puis vers 1880 elle devient la boisson populaire du milieu ouvrier. Malheureusement les ouvriers en consomment trop, elle devient moins chère que le vin et n’est pas toujours dans ces cas de très bonne qualité. Son taux d’alcool est élevé  et elle fait des ravages. La Fée Verte devient donc le bouc émissaire de tous les maux provoqués par l’abus d’alcool. Tout le monde se ligue contre elle : médecins, ligues anti-alcooliques, vignerons et  l’accusent de provoquer l’épilepsie,  l’hystérie…… C’est devenu la bête à abattre et cela aboutira à son interdiction en 1910.

La thuyone, principal élément incriminé dans la toxicité de l’absinthe est un principe actif contenu dans la plante d’absinthe mais aussi dans la canne à sucre ou dans la sauge. Le taux à respecter devrait maintenant être de 35mg/litre et il faut bien préciser qu’aucune étude scientifique sérieuse n’a jamais prouvé la toxicité de la thuyone.  De plus après distillation en alambic, elle est rendue inoffensive. Et les vraies absinthes sont produites par distillation et ne contiennent pas de sucre.

 

C’est l’heure de l’apéritif… le cérémonial peut commencer ! Surtout, il ne faut pas noyer son Absinthe. Il faut verser l’eau  avec précaution, la laisser couler goutte à goutte. Alors elle va se mélanger progressivement avec les huiles essentielles des plantes et des parfums vont s’exhaler pour vous préparer au plaisir de la dégustation. Vous pouvez verser lentement votre filet d’eau fraîche sur un morceau de sucre placé sur une cuillère à absinthe.

En 2004 trois cents exemplaires d’un cuillère à absinthe ont été fabriquées par l’entreprise Mercadis de Mandes-la-Côte d’après un dessin de la jeune fleurisanne Jeanne-Marie Bortolini. Elle représente la petite Fée du Val de Travers plongée dans un verre d’absinthe, tentant désespérément d’éviter la noyade….

 

 

Yves Kübler et l’Absinthe du Val de Travers

 

Propos recueillis auprès d’Yves Kübler, de la Distillerie Blackmint, Kübler & Wyss à Môtiers (NE) Suisse

 le 9 mars 2005 par Alain Barrière.

 

La loi

«Maintenant en Suisse la loi a changé. La modification de la législation est entrée en vigueur le 1er mars 2005.  Tous les produits qui ne correspondent pas à la définition faite par la Charte ne peuvent être vendus sur le marché suisse. L’ordonnance fédérale établie par l’Office Fédéral de Santé Publique dit ce qu’est l’Absinthe et comment on doit la fabriquer. L’Absinthe doit être distillée pas macérée. S’il y a macération, il doit de toute façon y avoir distillation. La coloration ne peut-être obtenue qu’avec des colorants naturels. Aucun pays de la Communauté européenne n’a défini l’Absinthe. Le texte de la loi suisse a été soumis à Bruxelles et c’est peut-être le texte suisse qui sera adopté dans le cadre de la Communauté Européenne. Pour une fois la Suisse a fait un peu mieux que tout le monde….

 

La teneur alcoolique et la thuyone

Avant, notre produit s’appelait Extrait d’Absinthe parce que nous n’avions pas le droit de l’appeler Absinthe. Le produit était identique ; nous avons augmenté la teneur alcoolique, parce qu’une Absinthe à 45% de volume, ce n’est pas suffisant. Il faut minimum 50% de volume pour avoir l’extraction de l’arôme. Pour moi, le vecteur de l’arôme, c’est quand même l’alcool. Un kirsch ou une eau de vie de framboise à 37.5% de volume ou à 42% de volume, ce n’est pas la même chose. Aujourd’hui notre Absinthe, véritable Fée Verte du Val de Travers, titre 53% de volume.

Chez nous on ne définit pas la teneur maximale, mais la teneur minimale : c’est minimum 40% volume. Mais ça peut monter jusqu’à l’infini. Mais ça ne sert à rien de monter, ça devient invendable. Pus on monte la teneur alcoolique, plus la charge fiscale est élevée, donc plus le produit devient cher. Il y a un taux unique de 29 francs le litre à 100% volume. Cela vous donne le prix de la charge fiscale. Si on ajoute 20% volume de plus, ça donne 6 à 7 francs de plus par litre. Avec les coefficients de marge de multiplication des distributeurs on arrive à un produit 20 à 25 francs plus cher sur le marché. Donc ce n’est plus vendable.  

En Suisse, le débat était là : changer la loi pour pouvoir augmenter la teneur alcoolique. La thuyone, on s’en est toujours un peu moqué. On a en Suisse 35mg autorisés, mais notre produit n’a pas 35mg car moi j’estime qu’à 35mg, c’est imbuvable ! C’est une question de goût. Dans cette région, depuis la prohibition, on a toujours fabriqué de l’absinthe contrairement à la France où ils ont arrêté d’en faire. Ici, au fil du temps, les recettes ont évolué. Les produits sont devenus légèrement plus ronds. Les consommateurs ne voulaient plus de produits trop amers. Nous on n’a pas de sucre du tout.

 

Je ne suis pas tout à fait convaincu que le maximum de thuyone soit obtenu par macération. On fait l’extraction de la thuyone quand on fait le processus de distillation. Si on macère le produit, c’est l’inverse, on a moins de thuyone que quand le produit est distillé. Nous n’avons jamais fait de macération ni de mesure à ce niveau mais il me semble que l’on extrait la molécule par le principe de distillation.

De toutes façons, la thuyone est un faux débat. Pour notre ancien produit et les produits clandestins de la région on a mesuré 15mg de thuyone pour nous, 25 mg pour la maison Guy de Pontarlier et 4 à 5mg pour les clandestins. Les clandestins de la région utilisaient des plantes qui venaient des pays de l’est et qui étaient cultivées sous serre ; ces plantes ne produisaient plus cette thuyone. Au fil du temps, dans la région, on avait perdu la thuyone. La thuyone est un faux débat dans le sens où la thuyone n’apporte rien au produit. On doit faire une Absinthe qui a le goût de l’Absinthe et qui a un côté amer mais pas trop car on ne peut plus boire une Absinthe comme en 1890. Les goûts ont changé, nos palais ne sont plus habitués à ce genre de produit. Nous avons fait une toute bonne Absinthe qu’on peut trouver sur le  marché, qui est faite selon les règles de l’art et qui correspond aux critères établis en Suisse pour obtenir une AOC.

 

L’AOC

          Probablement que sur le marché européen il y a eu des produits qui se ressemblent, mais ce n’était quand même pas la même chose. Il y a des produits marketing. C’est pour ça qu’en Suisse on a décidé de définir l’Absinthe dans une ordonnance. C’est le seul pays d’Europe où cela a été fait. On veut créer une AOC Absinthe en Suisse pour pouvoir empêcher l’importation de produits qui seraient par exemple sucrés, parce que l’Absinthe n’a jamais été sucrée. Elle a été sucrée dans le verre mais jamais dans la bouteille.

On se bat dans la région parce qu’historiquement la région est le berceau de l’Absinthe. Pour une fois que les français ne peuvent pas dire cocorico….. On a le privilège de dire comment on peut la faire. C’est pour cela qu’on a défini l’Absinthe.

Au départ certains milieux économiques ne voulaient pas cette définition, de gros importateurs voulaient importer un peu n’importe quoi ! Les autorités politiques suisses ont dit non : on peut revendiquer la paternité de l’Absinthe, il tient à nous de la protéger et de la défendre, donc on va la définir.

 

Au début, moi j’ai créé un produit qui a donné une impulsion politique. Après la loi a été créée. C’était un petit comité de sept à huit personnes qui se réunissait : des chimistes cantonaux, des gens des milieux intéressés et la partie politique était l’Office Fédéral de la Santé Publique. Un dossier historique a été fait prouvant que l’Absinthe était bien originaire du Val de Travers et la composition de l’Absinthe a été définie avec une composition de tant de plantes. Un projet de loi est né de cette commission, il a été soumis à consultation dans différents milieux et finalement un consensus a été trouvé. Des barrières strictes ont été mises pour éviter que n’importe quoi arrive sur le marché. Tous les produits des pays de l’est ne peuvent pas rentrer parce qu’ils ne correspondent pas à la définition de l’Absinthe. Tout ce qu’on espère c’est que la Communauté Européenne lors d’une prochaine négociation reprenne la définition de l’Absinthe dans une ordonnance européenne parce que ça reste flou en Europe.

 

L’Absenthe, produit français, a disparu du marché suisse probablement parce qu’elle ne correspondait pas à la définition. Versinthe est le seul produit étranger sur le marché.

Absenthe, Versinthe ont été créés pour contourner les lois. Même en France, il y a quelques années, ils n’auraient pas pu vendre un produit  avec le mot Absinthe. Cela a été  possible le jour où Pernod-Ricard a déclaré : maintenant on va mettre Extrait d’Absinthe.

 

Le mot Absinthe c’est tout l’enjeu économique. C’est pourquoi on a déposé une demande d’AOC. Si on obtient l’AOC Absinthe, tout produit qui porte le nom Absinthe et qui ne sera pas fabriqué dans la zone géographique devra être retiré du marché. Pour le moment il n’y en a pas beaucoup mais pour que l’AOC puisse être déposée, il y a toujours un délai, environ deux à trois ans. En trois ans, des gens peuvent arriver sur le marché.

De toutes façons le consommateur fera un choix, les marchés s’autorégulent seuls. Certains produits disparaissent d’eux mêmes. 

Depuis trois ans on cultive des champs d’absinthe : grande absinthe, petite absinthe, hysope, mélisse et maintenant on fait des essais avec le fenouil. Les cultures ont été remises en place avec l’aide de l’Etat de Neuchâtel. Trois agriculteurs travaillent ces plantations depuis trois ans. On est reparti de l’origine de la plante. Pour avoir l’AOC, il faudra utiliser la plante de la région. Tout a été repris depuis des plantations existantes dans le Val de Travers car des privés avaient conservé de l’absinthe dans leur jardin et on en trouve aussi à l’état sauvage dans la région. C’est comme ça qu’est reparti le planton.

Je pense que l’absinthe qu’emploie Guy à Pontarlier est la même variété. Ce qui fait la différence c’est le terroir. Pas entre Pontarlier et le Val de Travers car les sols sont pratiquement identiques. C’est comme pour le vin ; si on plantait de l’absinthe au Tessin on aurait peut-être pas du tout le même parfum que pour l’absinthe plantée ici. Nous travaillons un peu avec nos confrères de la Maison Guy à Pontarlier : nous avons la même méthode de fabrication et nous nous sommes mis d’accord sur des critères de qualité. C’est d’ailleurs maintenant un des seuls produits français qui correspondent à la législation suisse entrée en vigueur le 1er mars 2005. la majorité des produits français ne peuvent pas rentrer en Suisse, ni les produits tchèques.

 

Nous utilisons neuf plantes pour fabriquer notre produit. La recette vient de mon arrière grand-père mais les dosages ont été modifiés parce qu’on ne pourrait plus boire le produit ; il n’est plus adapté. Toutes  les plantes, sauf l’anis sont cultivées ici. Le cahier des charges AOC définit les matières premières. Si on veut aller u bout des règles AOC, la totalité des produits doivent venir de la zone de production mais c’est impossible pour l’anis, car déjà historiquement on n’a jamais cultivé d’anis ici. De plus l’alcool est un monopole d’état (comme ne France, en Italie, en Espagne… la majorité des pays de l’Union Européenne s’approvisionne auprès des pays de l’est). Donc on n’a pas les instruments législatifs pour pouvoir fabriquer la totalité des produits ici parce qu’il y a un monopole. De toutes façons, l’AOC est une décision politique. C’est pour des questions économiques, pour protéger, créer des emplois. Ceux qui se battent pour les AOC sont souvent des régions périphériques où il n’y a pas vraiment d’industrie.

 

Le but politique est la volonté de faire une AOC de l’Absinthe en Suisse. Elle a été définie dans la loi pour éviter l’invasion des produits étrangers qui ne correspondraient pas du tout à la définition. On ne peut pas préjuger de l’avenir car au final, c’est toujours le consommateur qui choisit. Le prix a aussi son influence. C’est le business ! Pour pouvoir entrer dans une chaîne de supermarchés comme Carrefour ou Coop en Suisse, il faut « allonger », tout est là.

L’avantage de l’AOC c’est qu’on protège toute la méthode de fabrication dans la zone géographique, toute le chaîne de fabrication. On ne peut pas mettre en bouteille à l’extérieur. L’AOC définit des critères de qualité. C’est une raison économique, la création de postes de travail ; c’est ça aussi l’enjeu des AOC : développer des régions qui en ont besoin. 

 

 

La Distribution

On est les seuls producteurs qui fournissent les grands groupes de distribution. On veut garder notre production ici et le savoir faire ici ; on fait de l’artisanat dans la production, mais la vente c’est le nerf de la guerre. Avant, on avait un vendeur en Suisse Alémanique. Pendant trois ans, j’étais seul sur le marché avec mon Extrait d’Absinthe. J’étais le 1er et j’ai fait mon positionnement. Je ne pouvais pas faire tout seul la vente et le marketing, il fallait trop de moyens : engager 10 personnes pour faire de la vente, c’est impensable. J’ai donc décidé d’utiliser une force de vente qui était présente sur le marché. L’entreprise Diwisa avec laquelle je travaille vend notre produit mais elle vend aussi de la vodka, du whisky, du gin, du champagne, du vin…. C’est une stratégie, sinon on ne pouvait plus vivre. Le but de mon partenariat avec un gros groupe industriel était le fait qu’il était le seul à avoir les capacités techniques et industrielles pour fabriquer le produit et ils auraient fait un produit moins cher.  En travaillant avec eux, j’ai éliminé un concurrent. C’était l’objectif numéro un. Il faut être réaliste. Moi je profite de certaines synergies au niveau du marketing et de la vente et eux ont un super produit qui valorise leur portefeuille de marques, notamment par rapport à l’importateur étranger car c’est aussi une maison qui exporte beaucoup. Pour moi c’est une excellente opportunité : j’étais le premier, j’avais le marché, j’avais des contrats avec les distributeurs, j’ai derrière moi un groupe qui est puissant.

 

Absinthe et Tourisme

Nous nous plaçons aussi dans un autre créneau de travail qu’est la création d’un grand projet touristique : on veut créer un centre d’interprétation sur l’Absinthe, projet culturel et technique. On pourra accueillir des cars de visiteurs tous les jours, il y aura un restaurant, des boutiques, des boissons du terroir, ce sera réalisé avec une architecture un peu folle… , on y organisera des expositions de grands peintres. La région doit se développer, prendre un virage.  On a le produit, on a l’histoire, il faut apprendre à le vendre. Cela ne se vend pas seulement dans les flacons dans les grandes surfaces, cela se vend aussi un peu par le marketing territorial. On doit identifier la région au produit. Il manque justement dans cette région un gros centre d’intérêt. Historiquement il y a déjà des choses en place à Boveresse. On doit apprendre à faire du tourisme.

Je ne suis pas opposé à associer la région de Pontarlier à la zone AOC. Historiquement, cela peut se défendre. J’ai de bons contacts avec la maison Guy Une route de l’Absinthe pourrait être mise en place entre Pontarlier et le Val de Travers. Mais il t a un problème du côté français : ils doivent dépénaliser l’Absinthe. Maintenant en Suisse  on peut vendre légalement de l’Absinthe à 53% volume et 35mg de thuyone, mais on ne peut pas vendre notre produit en France. On doit y vendre ce qu’on vendait en Suisse avant. En France on ne peut vendre que des boissons spiritueuses à base de plantes d’absinthe qui ne doivent  pas contenir plus de 45% volume d’alcool et 35 mg de thuyone. S’il y a plus de 45% volume d’alcool, il doit y avoir moins de 20gr d’anéthol, donc plus d’anis, or l’anis a toujours été l’une des principales composantes de l’absinthe. Le produit que Pernod-Ricard fait en France est un produit adapté à la législation française, on a enlevé l’anéthol. Ils appellent le produit Spiritueux aux Extraits de Plante d’Absinthe mais on ne peut pas encore appeler ça absinthe. C’est le problème : les français devraient se secouer un peu au niveau de la loi et définir l’Absinthe pour éviter les produits « douteux » qui sont sur le marché. En France on na pas encore levé l’interdiction. De facto, un jour ou l’autre la Communauté Européenne va imposer à la France de revoir sa législation. De plus il y a une norme qui n’existe qu’en France ! C’est une réglementation qui date de 1907 et qui indique qu’il ne doit pas y avoir plus de 5mg de fenchone (cela se développe à partir du fenouil).

 

En conclusion…

Je ne souhaite pas faire un produit très haut de gamme, il faut que ça soit un produit distribué partout. Il faut être réaliste au niveau de l’économie. J’ai fait un produit qui m’a coûté beaucoup d’argent Il y a eu beaucoup de marketing. Il faut le rentabiliser. Une fois que j’aurais rentabilisé ce produit et que j’aurais peut-être suffisamment d’argent pour en faire un autre, ou mieux… Le produit que j’ai fait, je l’ai fait au mieux de ce que je pouvais faire. Faire mieux, c’est changer l’emballage. Faire différent. Reprendre la recette traditionnelle de l’époque….  Je le ferais que si je n’ai que ça à faire !

On a d’autres produits, mais le produit leader c’est l’Absinthe et elle représente 80% de notre fabrication. On produit 24h sur 24. Notre but est de rester le numéro 1 de l’Absinthe sur le marché suisse, d’étendre le marché à l’étranger. Nous allons augmenter le volume de production, des nouvelles installations vont intervenir.

Le but c’est une industrie sur le thème de l’Absinthe en parallèle avec le centre d’interprétation sur l’Absinthe. Le côté culturel est important pour le marketing du produit en lui-même. »

 

 

Entretien sur l’absinthe avec Peter Schaf alias Peter Verte, absintheur

 

Propos recueillis auprès de Peter Schaf à Saumur (49) France

 le 3 Février 2005 par Alain Barrière.

 

Bouteilles : Absinthe Nouvelle Orléans, Absinthe Verte Suisse.

 

Ces bouteilles ne sont pas sorties en France, elles sont destinées à l’exportation en Angleterre. L’étiquette a été faite pour l’Union Européenne.

 

L’absinthe vient un peu de la Nouvelle Orléans. Au 19ème siècle on consommait de l’absinthe partout dans le mode, même si la consommation la plus importante se faisait en France et en Suisse. Aux USA, dans les grandes villes on consommait de l’absinthe. Un journal de San Francisco de 1852 contenait une publicité sur l’absinthe. A La Nouvelle Orléans on avait du goût pour les produits français et la ville fut la capitale pour l’absinthe aux USA.

 

La création de ces absinthes s’est faite à partir d’un travail de recherche : utilisation de bouteilles vieilles de 100 ans jamais ouvertes dont on prélève des échantillons sur lesquels on effectue des tests chimiques afin de retrouver la recette pour recréer l’absinthe comme avant, l’absinthe des grandes marques du 19ème siècle. Le but n’est pas de reproduire une absinthe qui a le même goût qu’une absinthe qui a 100 ans d’âge, car comme pour le vin le goût change. Le but est de retrouver une absinthe la plus proche possible de ce qu’elle était à l’époque au sortir de l’alambic.

 

L’Europe et la Suisse ont aujourd’hui des législations drastiques au niveau de la thuyone.

Le problème de la thuyone est un problème fabriqué pour lutter contre l’absinthe. Si l’absinthe est correctement distillé, le niveau de thuyone est faible (inférieur aux normes fixées). S’il y a macération le niveau de thuyone est plus élevé ; de même l’essence d’absinthe a un niveau de thuyone élevé.

 

Les médecins du 19ème siècle ont écrit sur des produits dont on ne connaissait pas bien l’origine Il n’y avait pas de contrôle à l’époque ; de plus, cela revient très cher de mesurer la thuyone.

La thuyone a été découverte vers 1860. Il n’y a pas eu de mesure. Mais à cette époque il y avait une augmentation de l’alcoolisme en France ; elle n’était pas due à la thuyone mais à la consommation. Il n’y a pas de consommation d’eau e vie avant la fin du 19ème siècle. Les gens cherchaient quelque chose de plus alcoolisé que le vin. Or on trouvait avec l’absinthe l’alcool le plus fort et le moins cher. La production était mal surveillée et il y avait de mauvais produits. On disait que le vin n’était pas de l’alcool, qu’il était bon pour la santé et que l’absinthe était le pire de tout. Dans l’absinthe il existe un produit qu’on ne trouve pas dans les autres boissons, c’est la thuyone. Donc la thuyone est mauvaise pour la santé. L’absinthe est alors séparée des autres produits. L’étude sur la thuyone est compliquée, elle est très difficile à mesurer. Les études ont été faussées car elles étaient financées par les syndicats du vin. La lutte contre l’absinthisme a marqué l’arrêt de la compétition vin/absinthe.

 

Le berceau de l’absinthe est la Suisse, la recette est suisse d’où « Verte Suisse ». La mise en valeur s’est faite en France.

 

Absintheur : que recouvre ce mot ?

Peter Schaf n’assure pas de fabrication mais travaille avec un distillateur. Il collectionne les objets autour de l’absinthe. Il étudie l’histoire de l’absinthe notamment avec Benoît Noël qui a écrit 5 à 6 livres sur l’absinthe. Il a fait une traduction en anglais car presque tous les ouvrages sur l’absinthe sont en français. Chaque absinthe est présentée avec ses caractéristiques.

 

Jade liqueurs à la Nouvelle Orléans est la société qui est à l’origine de toutes les études des échantillons d’absinthe pour permettre de créer une absinthe comme avant. Il n’y a pas de vente ni de fabrication aux USA depuis 1912. Les boissons anisées en général ne sont pas consommées aux USA.

 

On en est au tout début de la renaissance de l’absinthe. L’absinthe Nouvelle Orléans titre 68°, la Verte Suisse 65°. Les meilleures absinthes titrent entre 60 et 72°. Sous ces degrés, l’absinthe a moins de couleurs. Si elle titre entre 45 et 50° et qu’elle est très verte, c’est une couleur artificielle, il y a eu ajout de colorants. Beaucoup d’alcool donne du parfum, des arômes plus complexes. L’absinthe est plus complexe que d’autres boissons anisées car il n’y a pas de sucre dedans.

 

L’absinthe Nouvelle Orléans est fabriqué ici à la Distillerie Combier d’après la recette de l’absinthe concoctée à la Nouvelle Orléans. Voilà l’origine du nom avec aussi un clin d’œil au Vieil Orléans, voisin proche de Saumur.  

 

Absinthe Nouvelle Orléans : http://www.bestabsinthe.com

 

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